Le Laisser Taire

Publié le 23 octobre 2022 à 12:16

 

 

Dans cet article, je survole une réflexion sur la culture du silence, entre la dimension de sidération transmise dans le transgénérationnelle et par ailleurs, une culture du laisser taire, impactant d’avantage nos croyances et comportements sociaux.

Ce sont là des pistes de réflexions qui se veulent, tant que possible, dans le non-jugement. Cela propose également des informations pouvant aider les personnes cherchant à retrouver leur liberté d’être dans leur expression authentique.

 



La sidération.


Quand j’étais une très jeune adulte, j’ai assisté à l’agression d’un ami. Il était tard à Paris, nous rentrions chez lui et avons croisé un voisin ivre, immense (mon ami était tout petit) et il a commencé à le taper avec une raquette de tennis.
J’ai vécu quelque chose de terrifiant. J’étais pétrifiée, incapable de bouger, ni émettre un son. Pourtant je pensais que je me serais jeté sur le grand type pour défendre mon ami.
On appelle cela l’état de sidération. Mon corps était pétrifié sur place au sens littéral du terme. J’ai senti toute une chimie anesthésiante dans mon corps, me clouant littéralement au sol et au silence.
Je vous invite à visionner cette courte vidéo expliquant très bien ce qui se passe dans notre corps en situation d’agression, dans le cas présent il s’agit d’une agression sexuelle et d’une confrontation où une tierce personne demande de façon méprisante pourquoi la victime n’a pas réagi, crié :

https ://www.youtube.com/watch ?v=OoRnC50UUP8



Beaucoup trop de victimes sont encore maltraitées sur les prétendues réactions qu’elles auraient dû avoir, sur le fait que de ne pas avoir crié pourrait les avoir rendues consentantes ? Que ce soit dans des situations d’agressions physiques ou d’emprise psychologique.
L’un des aspects encore trop violents de la culture du viol infligée par le patriarcat, où les victimes se retrouvent à devoirs justifier l’intolérable.
Nos voix portent la mémoire traumatique et transgénérationnelle de ces massacres intimes.

L’état de sidération se niche un peu partout, sans même que l’on ne s’en rende compte. Car le propre de cet état, est avant tout une stratégie du cerveau/ corps, pour se faire oublier, tenter de ne plus rien voir ni sentir.
Inexister.

Nous sommes dans ce cas de figure, dans un mécanisme archaïque de survie, une peur paralysante, un mécanisme de fond annihilant… Il est très compliqué de s’en défaire seul.
Le traitement des chocs et stress post traumatiques sont absolument nécessaires, par un professionnel compétent, de confiance (Lien sur mon blog vers contacts utiles).
Vérifiez toujours les recommandations sur les thérapeutes et fiez vous un maximum à votre instinct, même si celui-ci peut être endommagés pour l’instant.
Notre mémoire peut avoir complètement occulté certains pans de notre vie (viols, maltraitances…) mais des évènements peuvent révéler la présence d’un traumatisme et d’un stress post traumatique.

✩ La sidération verbale et corporelle, l’incapacité à émettre un son ou à se défendre, dire non dans certaines situations, peuvent en être des symptômes forts.

Dans la reconstruction de sa propre Base, nous prenons conscience de la place de notre voix et de son expression, dans notre capacité à mettre des limites, exprimer nos besoins, délimiter les contours de notre territoire personnel.
S’il est facile de nous manipuler, nous faire douter, de créer de la confusion en nous et si nous nous sentons » soumis » à cela, dans un état de chimie quasi fulgurant, nous réduisant au silence et au mal être, avec des stratégies d’évitement face à l’affirmation, il y a beaucoup de chance qu’un état de sidération se manifeste dans l’affirmation de soi et puisse engendrer des situations d’emprises psychologiques.

✩ Laisser Taire ou laisser faire ? ✩

Dans le cas de contextes psychologiques et de maltraitances graves et mises sous silence, je trouve toujours impossible voir malhonnête de dire ce que la personne témoin aurait dû dire ou faire.
Toutefois, même si une systémie familiale se retrouve dans une forte emprise, le silence est bien souvent une non-assistance à personne en danger voire une complicité.

Ce n’est pas l’objet de ma réflexion aujourd’hui, même si je voulais souligner que certaines situations pouvaient induire un état de sidération et de peur viscérale, réduisant des êtres sans défenses au silence.

Avoir dans son arbre généalogique des féminicides ou homicides, des expériences malheureuses d’emprises, de relations abusives, peut amener des scénarios inconscients à se rejouer à notre insu, dans nos vies, voix et relations présentes, sous des angles parfois subtils : les cartes d’une pièce de théâtres redistribuées, où les rôles continuent de se jouer à travers d'autres personnages au devant de la scène.


 

 

Laisser Taire et le regard des autres ?

Bien avant d’en arriver à de telles extrêmes apparents, il y a les fondations d’une société, de sa morale, ses croyances et ses dogmes.



Le pouvoir du collectif sur l’individu, la puissance du carcan et du « qu’en dira t-on », aussi nécessaire soit le concept de société selon Aristote, nourrit le lit de l’hypocrisie, à soi comme aux autres.

Malhonnêteté acquise, privant de la liberté d’être complètement soi-même, trouvant sa liberté dans le dernier qui a parlé.

Bien malgré soi, désavouant ceux que l’on prétend aimer ou respecter, au prix d’être aimé, validé, accepté par ladite société.
Car pour l’humain, être accepté dans un groupe est une question de survie.
Reconquérir sa propre pensée commence par la prise de conscience du poids de la pensée des autres en soit.

Reconquérir son propre territoire psychique est un acte de bravoure envers soi, marqué par une décision et le besoin viscérale de s’engager vis-à-vis de soi-même.

Il est dissident, encore dans bon nombre de familles ou de systèmes de pensées, d’oser être soi-même. De renoncer à la peur pleutre pour oser défendre notre identité, nos enfants et nos valeurs.
Ce qui est difficile là-dedans, c’est que cela demande une bonne dose d’honnêteté et de clairvoyance… Mais surtout la capacité de s’aimer suffisamment soi pour renoncer à la validation extérieure.

Risquer de s’exposer au rejet. Synonyme de mort dans les rouages de l’inconscient de l’ancestrale cerveau reptiliens des humains.

Pourtant… Les carcans sont porteurs de violences ordinaires monstrueuses à la voix de l’âme. Les jeux de tout ce qui ne se dit pas ou ne se fait pas, brisent de nombreux liens du cœur, perpétuant ainsi la mythique trahison.

✩ ✩ ✩

« Je crois que tu ne comprendras jamais rien à la haine.
La haine, c'est l'amour en dur. »
Antigone (1997) de Henry Bauchau

✩ ✩ ✩

Il suffit qu’un enfant se sente constamment, désavoué, trahi par ses parents pour intégrer en lui qu’il ne mérite pas d’être heureux ou défendu. Si la parole des extérieurs a plus de valeurs pour son propre parent, qu’il aime plus que tout, alors, il peut en déduire implicitement mais fermement, qu’il est définitivement décevant ?

Pas à la hauteur ? Dans ce cas pourquoi se défendre ? Un système de croyance vient alors s’implanter et induire ses comportements, s’incluant dans une logique de laisser faire, l’excluant de son propre pouvoir créateur sr sa propre vie (voir le concept d’impuissance acquise).



Les racines de la croyance que nous n'avons pas de valeur, sont profondes et trouvent leurs attaches dans de petites choses.
Toutes les fois où l’on ne nous a pas cru, défendu face à un parent violent. Toutes les fois où il fallait montrer le côté présentable, où l’on t’a dit la petite réflexion cassante, humiliante, l’air de rien, juste avant de rentrer sur la scène de l’exemplarité, de la dévotion affichée.

Nous avons tous nos moments de faiblesses et de mesquineries, mais ce qui semble faire la différence entre les être, c’est la volonté de réparer.
Juste considérer la responsabilité de nos actes et paroles… Quiconque peut être maladroit, blessant, odieux… Mais la volonté de reconnaitre et s’excuser, surtout auprès de quelqu’un que l'on dit aimer…C'est ce qui semble marquer la différence entre les êtres.
*Et je ne parle pas de culpabilité maladive, je parle d’une démarche saine dans la relation.



Dans ce monde où le lien se perd, où l’hypersensibilité côtoie la perversion. L’identité est une question complexe et nous pouvons observer des caméléons se propager.
L’authenticité est plus que jamais dissidentes, la vulnérabilité est considérée comme une faiblesse et tout est permis.

Je me demande si l’orgueil ne serait pas de plus en plus confondue avec l’estime de soi ?
La réelle bienveillance n’est pas stratégique ni calculatrice, elle est gratuite et sincère.
S’affirmer avec force et instinct spontané est quasi un acte militant aujourd’hui. Il demande de se libérer du conditionnement du regard de l’autre, porté par une culture qui ne sait plus trop qui elle est.



J’entends énormément de témoignages de relations d’emprises dans le travail, dans les familles et je connais moi-même le sujet.
Et depuis trop longtemps, la culture du « laisser taire » laisse faire.
Le principe même de la perversion narcissique est de donner des représentations convenables sous tout rapport, acculant l’individu sous emprise à s’affaiblir dans sa perte de confiance, le vampirisant de ses forces et le dépossédant littéralement de sa voix. Des peuples entiers peuvent être manipulés de cette manière-là !
Dans ce rapport à soi, où l’on ne comprend pas pourquoi on laisse faire, on laisse taire toutes ces parties de soi qui se retrouvent ignorées, invalidées, niés, maltraitées.

Cette situation où notre voix ne sait plus se faire entendre, ni affirmer son territoire, ses limites… Ce moment là est source de sidération pour le cerveau.

On sait maintenant l’impact sur le cerveau de choses invisibles de cet ordre. Le fait d’être ignoré sur de grande périodes par un membre de sa famille par exemple, crée un état de souffrance psychique très intense, comparable à de la maltraitance physique.



Quand notre voix est la messagère porteuse de l’information, elle a besoin d’une certaine validation du Soi. Elle besoin d’en faire l’expérience pour s’habituer à sortir de sa tanière.

Le sentiment de légitimité a besoin d’être validé par des actes et des mots, dits à haute voix, des affirmations physiques concrètes.
Passé le moment de la décision et de la réappropriation de soi qui prend son temps, il y a tout ce qui ne nous appartiens pas.

Au-delà de notre bonne foi et volonté de dépasser nos propres limites, il y a l’autre. Et ça, nous n’avons pas de responsabilité sur cette partie-là. Nous pouvons seulement décider de comment nous réagirons face à cela.

La confrontation à l’altérité est la clé dans laquelle nous devons être bien conscient que certaines choses qui se jouent ne dépendant pas de nous d’une part et que reprendre la souveraineté de notre voix, c’est aussi, se retirer de la partie.
Le silence devient alors conscient et choisi. Et non subi.

 


✩ Face au double langage ? Se faire confiance ✩

Ce que j’appelle le double langage, c’est la double information générée par le positionnement d’une personne et son langage corporel.
Pendant longtemps, je me retrouvais dans un malaise que je ne m’expliquais pas en présence de certaines personnes.
Elles semblaient bienveillantes ou affichait un sourire mais je ressentais comme un malaise, une boule au ventre et quelque chose me mettait en alerte.
J’en perdais ma voix, l’assurance de mes mots et de ma pensées. Résultat je perdais confiance en moi et n’arrivais pas à me sentir naturelle.



Pendant longtemps j’ai cru que ça venait de moi, en bonne hyper empathique que je suis, jusqu’à ce que je comprenne le principe du double langage.
Une personne peut montrer un visage, une intention mais penser l’inverse. Par exemple, quelqu’un fait semblant de t’apprécier alors qu’il ne t’aime pas. Son attitude ne sera pas alignée avec son langage corporel non verbal.
Ce ne sera pas forcément visible de façon flagrante, mais un sentiment de malaise au niveau des sensations physiques seront autant de signaux d’alerte (boule au ventre, confusion, sentiment de ne pas être à sa place alors que juste avant tout allait bien.).
Il n’y a pas nécessairement ni toujours de mauvaises intentions derrière ce phénomène. Toutefois, il est vraiment important selon moi, d’être à l’écoute de ces signaux. D’apprendre à se connaitre et de s’aligner avec son propre sens de la congruence.
Par exemple, une personne ne sachant pas dire non, a trop peur d’être rejeté si elle le fait, peut se retrouver à toujours répondre au désir des autres mais en parallèle, nourrir de la rancœur et de la colère à l’égard des mêmes personnes. Situation typique où la personne se fait victime des personnes à qui elle ne met elle-même pas de limite.
Sans forcément y mettre tout de suite les mots de « personne ou relation toxique », il est important d’apprendre à se faire confiance et écouter ces signaux.



Nous pouvons également ressentir ces symptômes quand nous ne sommes pas alignés avec nous-même. Si nos actes ne sont pas raccords avec notre parole, si nous travaillons dans une entreprise qui est en opposition avec nos valeurs profonde, par exemple. Nous n’en sommes pas toujours conscients.
Je me souviens d’un enseignant nous reprochant de ne pas être dans le lien, la communication bienveillante, et répondant de façon glaciale quand tu lui écrivais. J’ai mis du temps à comprendre que c’était une forme de manipulation déstabilisantes. Le malaise provenait d’un manque de congruence entre les actes et les paroles.

L’idée étant de déblayer le terrain, aller visiter nos valeurs profondes, faire le tri de ce dont nous avons hérité, ce que nous avons envie de garder de notre éducation et ce qui nous coince.

Il arrive que certains systèmes de croyances issus de valeurs inculquées, sont en opposition avec l’élan de vie d’une personne, créant ainsi une tension dans l’inconscient.

Se connaître pour se faire confiance permet de retrouver le chemin de ses sensations, régler la boussole sur son propre système et ainsi se reconquérir soi-même, nous permettant de développer la capacité à protéger nos propres territoires physiques et psychiques.



Je vous suggère la lecture de « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Este. Notamment et le chapitre 3 « Vassilissa la Sage »



Cela s’apprend de s’affirmer. Il a fallu du courage pour beaucoup de parents d’apprendre à défendre leur enfant, sans les désavouer, face à l’institution scolaire.

Pendant trop longtemps, on confiait le savoir aux extérieurs, perdant la main sur son pouvoir personnel. Envoyant ainsi l’information aux enfants qu’ils étaient complètement dépendant du système.

Notre société évolue et la communication d’aujourd’hui, les compréhensions psychologiques peuvent permettent de trouver des solutions adaptées, rendant légitime l’enfant dans ses besoins et différences.

C’est le parent qui apprend à grandir et sortir lui-même de sa voix d’enfant, mais ça sera l’objet d’un autre article !

Apprendre à être à l’écoute de soi est un apprentissage.


Rappelons-nous cet adage « Ne fait pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’il te fasse. ». On peut retourner l’idée « Sois avec les autres comme tu aimerais qu’ils soient avec toi ?... »


Sans rebasculer dans un Fais plaisir niant nos propres besoins, ce peut être un bon début que de se questionner sur la façon dont nous traitons les autres, nous nous traitons nous même.


Une personne saine aura toujours la volonté de communiquer et réparer ses erreurs. Cela peut être une valeur qui détermine un point d’ancrage dans nos relations avec les autres.

Dans la reconstruction de notre base personnelle. Et si en face, la personne ne souhaite pas répondre à cette valeur, on ne peut pas la forcer. Par contre, choisir de se respecter, et partir de la relation, ça c’est en notre pouvoir…Par exemple…
Prendre chemin vers la reconquête de notre intériorité est une décision. Petit pas par petit pas, le point de départ reste en soi.


Soyez-là pour vous-même. Vous seule avez la capacité de ne jamais vous abandonner.


La carte de nos territoires intérieurs est en nous.
Je vous souhaite le meilleur.



Natacha Jouët
www.lacoachdelavoix.com
coachdelavoix@outlook.com
©Droits reservés

« Ne tarde plus à parler, ose être toi-même en toute spontanéité, cesse de te sentir petit(e). Prends-toi fermement en main, mène ta vie avec assurance et avec force de la conscience de soi. Parviens à la tranquillité intérieure, n’aies pas peur : fie-toi à tes impulsions intuitives et cèdes-y. Donne libre cours à tes énergies puissantes et à tes sentiments, sous l’œil vigilant de ton « Je », ne place plus l’Autorité hors de toi. Tu es Maître(sse) de qui t’arrive et non l’inverse : Prends conscience de cela et agis. »

Extrait « La clé de votre libération » Christiane Beerland

 

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